mardi 23 février 2021

Lundi 22 février : formation "calcul des coûts de production"

Organisée par Maite de BLE et Maider de l'AFOG Pays Basque à Hélette. Formateur : Guillaume Duhalde, conseiller agricole habitant dans le Gers mais originaire du Bas-Adour.

La journée commence par un tour de table, il y a 5 maraîchers installés, 1 maraîcher en espace test et nous sommes 6 porteurs de projets.

Maider interroge les maraîchers sur leur ressenti sur la saison passée. Ils évoquent les coups de vents, les trombes d'eau, mais sont globalement satisfaits d'une "bonne année".

Le covid ne semble pas avoir eu vraiment d'incidence sur leur activité, ni en mal ni en bien. Toutefois plusieurs mentionnent une augmentation des sollicitations au moment du 1er confinement, alors que c'était la période où les productions sont au plus bas. L'un des maraîcher a même du fermer la vente à la ferme à cause de nouveaux clients trop dérangeants : qui se pointent de nulle part et demandent des gros volumes alors qu'il y a peu de disponibilité.

Outre cette anecdote le débat porte rapidement sur les serres qui sont régulièrement abîmées par les tempêtes. Plusieurs font remarquer que ces coups de vents "exceptionnels" reviennent chaque année et ne sont donc plus vraiment exceptionnels mais qu'il faudrait accepter de faire avec.

De manière assez surprenante, si on regarde le site de MétéoFrance dédié aux tempêtes, leur classification ne fait pas apparaître une augmentation de la fréquence de ce phénomène au cours des dernières années ni même à l'échelle des dernières décennies. Au contraire : ces phénomènes semblent se répéter de manière régulière tous les ans ou tous les deux ans, et les phénomènes les plus exceptionnels ne sont pas les plus récents : 1999, 2009, 1996, 2019, 2006, 2010, 1982. Si on regroupe par décade ça fait : 5 tempêtes majeures dans les années 80, 3 dans les 90, 2 dans les 2000, 5 dans les 2010 (source : filtré sur la région Aquitaine). Peut-être faudrait-il regarder un peu plus finement ? MétéoFrance ne prend en compte que les tempêtes les plus impressionnantes, avec des vents dépassant 100 km/h sur de grandes surfaces, or les serres en maraîchage peuvent être endommagées dès 80 km/h, notamment en cas de facteurs "aggravants" : chute de branches d'arbres venant perforer le plastique et former une prise au vent.

Le vrai problème c'est que les assurances rechignent à assurer les serres des maraîchers, et lorsqu'elles le font elles trouvent des excuses pour ne pas indemniser. Résultat : beaucoup de maraîchers ne sont pas assurés pour leurs serres. NB : certains souscrivent cependant des assurances "récolte".

Deux conseils : 1. ouvrir les serres (pour diminuer la prise au vent) en cas de coup de vent > 80 km/h : mieux vaut perdre les récoltes qu'elles contiennent que de perdre les serres, et 2. tâcher de se ménager une réserve financière dans laquelle taper en cas de coup dur : une "assurance personnelle". Et un 3e pour la route : choisir des serres de petit modèle : 2,5 à 3m de haut max et max. 8 m de large : ces modèles sont plus faciles à rebâcher à 2-3 personnes alors que les grands modèles (4m de haut par 9m de large) nécessitent de rassembler une équipe de 6-7 personnes, ce qui n'est pas toujours aisé et se fait moins facilement.

Réflexion autours des tunnels nantais* comme alternatives aux serres : 

* petits tunnels de moins d'un mètre de haut qu'on peut monter et démonter facilement, avec des arceaux métalliques fin qu'on vient ficher dans le sol à la main et sur lesquels on tend une bâche. Cela peut se manipulé à une seule personne, mais il vaut mieux être deux pour ne pas y perdre trop de temps.

deux maraîchers réagissent :

> une pour dire que cela lui semble trop lourd en terme de temps de travail à ouvrir et fermer : plus long qu'une serre car sans dispositif d'ouverture : il faut bouger la bâche sur toute la longueur du tunnel (sans doute qu' ouvrir simplement à une extrémité ne suffirait pas à faire circuler l'air, notamment car les cultures occupent une grande partie de l'espace sous le tunnel, ce qui n'est pas le cas sous serre) : elle réserve donc l'usage des tunnels nantais à des besoins très ponctuels d'appoint, en cas de coup dur, mais pas en fonctionnement normal.

> un pour dire que cela lui semble une alternative intéressante pour certaines cultures, notamment la carotte qui ne devrait pas avoir sa place sous serre selon lui, et que de toute façon, en maraîchage, tout prend du temps, c'est un compromis de plus. Cependant il ne semblait pas suggérer qu'il faudrait préférer les tunnels nantais aux serres, juste que ceux-ci peuvent faire un vrai complément à utiliser en fonctionnement habituel.


La formation a proprement parler sur les coûts de productions commence par un jeu.

Le formateur, Guillaume, fait sortir une personne de la salle.

Une autre est mise face à une table sur laquelle elle dispose de feuilles A5, A4 et A3, d'une grande et d'une petite paire de ciseaux, de feutres de plusieurs couleurs et d'un patron de carotte en papier sur laquelle est dessiné un visage souriant. L'objectif est de reproduire la carotte pour en faire 8 copies. On chronomètre le temps de travail du premier opérateur.

Lorsqu'il a fini, on rappelle la personne préalablement mise à l'isolement et on lui donne le même exercice à faire.

Une fois terminé, on compare les résultats :

J. a mis 3'24'' pour faire ses 8 carottes. Il a utilisé 1 feuille A4, un feutre et les petits ciseaux. Ses carottes reproduisent parfaitement le modèle, sauf qu'il n'a pas dessiné les visages.

L. a mis 1'53'' pour faire ses 8 carottes. Elle a utilisé 2 feuilles A4, un feutre et les petits ciseaux. Ses carottes sont un peu bâclées au niveau de leur forme et elle n'a pas dessiné les visages.

Maintenant Guillaume nous explique que les feuilles A4 coûtent 1 €, l'usage des petits ciseaux 5 €, et le temps de travail est valorisé à 1 €/min.

Un rapide calcul permet d'établir que les carottes de J. lui ont coûté 1 + 5 + 3,4 = 9,4 €, et que celles de L. lui ont coûté 2 + 5 + 1,9 = 8,9 €.

Il nous a ensuite présenté les deux lots de carottes en nous demandant lesquelles ont voulait acheter. L'unanimité s'est portée sur les carottes de J. Conclusion : malgré un peu plus de temps de travail, le meilleur résultat de J. lui permet de bien valoriser sa production, alors que L., même si elle a passé moins de temps sur sa "culture", ne peut pas la valoriser à cause de sa mauvaise qualité.

Fin du jeu et de l'introduction.

Guillaume nous propose de diviser les différentes charges par groupes :

- les charges de structure (CS) : l'immobilier et les charges transversales non imputables à une culture en particulier : administratives, mais aussi les fluides, les outils utilisés pour toutes les cultures, etc.
NB : on liste, un peu plus tard, les différentes charges considérées comme des charges de structure.

- les charges opérationnelles (CO) : propres à chaque culture, il s'agit des consommables : graines ou plants, fertilisation, paillages, fils ou filets de soutien, les outils spécialisés utilisés pour seulement quelques cultures, etc.

- les charges de main-d'oeuvre (CM) : le temps de travail de l'exploitant et de ses éventuels salariés.

À côté de ça il propose une liste de postes qui reviennent plus ou moins à l'identique pour toutes les cultures (certains peuvent ne pas se présenter pour certaines cultures), chaque poste 1 à 14 contenant une part de CO et de CM. Les CS sont calculés au prorata de la surface cultivée / la SAU total et placées sur le poste 0.

0. % d'immobilisation du sol par la culture (~ CS)
--------------------------------
1. travail du sol (cela inclus - le cas échéant - tout le travail de préparation préalable : sous-solage, faux-semis, engrais vert (depuis l'achat des semences d'engrais-vert jusqu'à l'enfouissement)
2. fertilisation
3. paillage et semis / plant
4. entretien (p.ex. : tuteurage)
5. désherbage
6. phytosanitaires
7. irrigation
--------------------------------
8. récolte
9. nettoyage de la planche
10. lavage des légumes
11. stockage
12. séchage (pour les aromatiques)
13. conditionnement
14. livraison et vente

Les postes 1 à 7 engagent des coûts en lien avec la surface de la culture, alors que les postes 8 à 14 engagent des coûts en lien avec la quantité produite.

Calculer un coût de production c'est donc lister, pour chaque culture, les différents postes réalisés et au sein de ceux-ci identifier les différentes charges.

Données à collecter

Les coûts de main-d’œuvre sont calculés en chronométrant chaque tâche (depuis le moment où on prépare les outils pour une intervention jusqu'à ce qu'on les repose, en incluant tous les trajets internes sur la ferme). Il faut s'astreindre à le faire une ou deux fois : sans ça on perd une grande partie de la lisibilité du coût de production. Les charges de structure et les charges opérationnels s'obtiennent en épluchant les factures.

Assolement : répartition des surfaces cultivés par légumes (et par variétés) et dans le temps.

En maraîchage diversifié, même si on cultive 20, 30 voire 50 légumes ou plus, en général, il y a une petite part des légumes (5 à 7) qui occupent la majeure partie de la sole (= des surfaces cultivées à un moment donné). On peut donc, en première approche, regarder simplement les coûts de productions de ces cultures.

Une autre méthode est de raisonner l'assolement par grands types d'itinéraires techniques (abrégés "ITK").

Ceux-ci se synthétisent ainsi : 

> cultures paillées (et donc plantées), avec palissage (PPP)
> cultures paillées (et donc plantées), sans palissage (PPSp)
> cultures sur sol nu et semées (SNS)
> cultures sur sol nu et plantées (SNP)

NB : sur sol nu, si on a du mal à chronométrer les temps de désherbage pour toutes les cultures possibles, il faut le faire sur quelques unes seulement et extrapoler en se basant sur la densité des semis : 

> tomates : 1 plant /m2 -> temps de désherbage réduit
> salades : 8-10 unités / m2 -> temps de désherbage moyen
> carotte : 30-40 /ml -> temps de désherbage très grand

en effet : plus les plants sont densément serrés par unités de surface, plus il faudra être précautionneux et précis dans les gestes.

Ensuite on fait un tableau avec en colonnes soit les 5-7 cultures majoritaires, soit les grands types d'ITK et en ligne les différents types d'actions réalisées sur chaque ITK ou culture.

On commence ensuite simplement par noter pour chaque type d'actions combien de fois il est réalisé sur chaque ITK ou culture.

Puis on affine ce premier dégrossissement en indiquant les différents coûts.

Immobilisation du sol :

Il faut compter le coût de l'immobilisation du sol : en % du total cultivé pour prendre en compte l'investissement / l'amortissement de l'achat ou du fermage et de manières générales toutes les charges de structures.

Pour rentabiliser les serres : éviter les semis directs et préférer planter en mottes à repiquer : le temps "économisé" peut servir au prolongement de la culture précédente ou à une culture dérobée (typiquement : radis).

Idem : il faut éviter autant que possible de "stocker au champ" : c'est du temps d'immobilisation qui ne peut donc pas être mis à profit sur une autre culture.

Se rappeler aussi que toutes les formes de stockages (même au champ) impliquent des pertes de qualité et de quantité (perte de fraîcheur, dommages et prélèvements par les limaces, les insectes, les rongeurs, pourrissement, etc.)

Dans cette logique : il faut enlever les fins de culture dès que la productivité baisse en dessous d'un seuil critique : au delà, maintenir la culture fait grimper le coût de production.

Charges de structure :

 - Certification AB
 - fermage et mise à disposition
 - eau et électricité
 - comptable
 - fuel et huile
 - carburant et lubrifiant
 - frais financiers (crédits)
 - services bancaires
 - cotisations diverses
 - assurance
 - prestations extérieures (conseil technique)
 - frais administratifs
 - communication (tél, internet)
 - main d'oeuvre exploitant pour l'administration (% de la rémunération proportionnel au temps de travail administratif)
 - bureautique
 - entretien bâtiment
 - entretien matériel

Calculer la rentabilité :

Faire un tableau avec en titre : le coût de production d'un légume (€/kg)
En colonne : différents prix de vente possibles (€/m2)
En ligne : différents rendements hypothétiques (kg/m2)
Dans chaque cellule on calcul alors le prix de revient en multipliant le prix de vente par le rendement (€/kg  x  kg/m2) on obtient des coûts de revient en €/kg que l'on compare au coût de production du légume : cela permet de voir le rendement à atteindre par rapport au prix praticable afin d'être rentable.

La répartition des couleurs est liée à la comparaison coût de revient (dans le tableau) vs. coût de production (en titre) : cette répartition bouge donc en fonction du coût de production du légume considéré.

NB : le prix de revient ne varie pas de manière linéaire suivant le rendement ! Si on a un rendement de 0,5 kg/m2 il faut vendre à 7 €/kg pour sortir un bénéfice, alors que dès que le rendement atteint 1 kg/m2, le prix de vente baisse à 3,5 €/kg et à 2,5 €/kg pour un rendement de 1,5 kg/m2 !


Autres notes et remarques :

Rendement quantitatif = nombre
Rendement qualitatif = conformes aux demandes du marché

Sur les légumes de conservation, il y a un risque important de baisse (+/- importante) de la qualité en fonction du temps. Il faut bien réfléchir le stockage et l'écoulement.

Débit de chantier = quantité travaillée / temps de travail (m2 de désherbage / h, kg récoltés / h, etc.)
>> débit de récolte des tomates : 60 kg/h c'est un bon débit (faut y aller!)
>> débit de récolte des radis : 45 bottes/h, idem
>> haricots-verts : 6 kg/h, idem

Il y a des "produits d'appel" qui permettent d'attirer les clients (surtout vrai sur les marchés) : il faut donc les produire même s'ils sont particulièrement peu rentables, voire même, si on les produit légèrement à perte, charge ensuite aux produits rentables de compenser.

La diversification de l'activité et l'agrandissement sont : soit un signe de bonne santé économique, soit un signe de fuite en avant !

Désherbage : ne pas se laisser déborder : intervenir souvent et avant même de voir les adventices !

Ne pas embaucher de salariés pour faire du désherbage ! Il vaudrait presque mieux sacrifier la culture !

Une pomme-de-terre "primeur" peut qualifier une pomme-de-terre à la peau non encore formée, même si elle est récoltée en août.

Il ne faut jamais arrêter d'amortir les amortissements : l'argent correspondant sert alors à constituer une réserve financière pour une réparation ou un investissement futur ou en cas de coup dur.

Le bâtiment doit être placé au milieu du terrain afin de réduire au minimum les temps de déplacements (pour aller chercher les outils, pour rentrer les récoltes, pour aller aux toilettes, etc.)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Sagartzea : fête des pommes basques - Mendionde : samedi 23 octobre 2021

Lekorneko Garroan jai egin du Sagartzeak bere 30 urtebetetzea. Euskal herriko sagar motak bildumatzea eta bultzatzea helburu du elkarte horr...